L'église et le sexe
Posté : 11 janv. 2006 10:27
L'église et le sexe
1. L'aveu de l'abbé Pierre
par Jacqueline Remy
Maintien du célibat des prêtres, mise à l'écart des homosexuels dans les séminaires, refus de l'ordination des femmes, statu quo sur l'avortement et la contraception... Malgré la crise de la pratique et des vocations, la hiérarchie catholique réaffirme la rigueur de sa doctrine en matière de sexualité. Au risque de s'éloigner encore de ses fidèles? L'Express ouvre le débat, en trois questions - dont Le dogme et la réalité et Nous, les enfants de prêtres. La première est posée par l'abbé Pierre, le plus populaire des Français, qui avoue des idées et des pratiques iconoclastes
C'est une bombe au pays calme de la pensée chrétienne. Dans un livre qu'il publie le 27 octobre - Mon Dieu, pourquoi? (Plon) - l'abbé Pierre, 93 ans, déclare qu'il n'est pas hostile au mariage des prêtres et il suggère qu'il a lui-même eu des relations sexuelles avec des femmes.
L'homme le plus populaire de France ne se contente pas de cet aveu. Avec des mots simples, à la fois économes et audacieux, il aborde, dans une suite de textes brefs, tous les sujets tabous au sein de l'Eglise catholique: le mariage des homosexuels, leur désir d'enfant, l'ordination des femmes (il est pour), la virginité de Marie et le rôle de Marie-Madeleine auprès de Jésus.
Frédéric Lenoir, qui a très talentueusement aidé le fondateur d'Emmaüs à rédiger ces méditations - sous-titrées Convictions, interrogations et indignations sur la foi chrétienne - raconte que ce dernier, «stimulé» par le tournant pris par Jean-Paul II avec la reconnaissance de la validité de la théorie de l'évolution, était taraudé depuis dix-huit mois par certaines questions théologiques. Sur le sens de la création, en particulier. Quel est le but de la vie? L'amour, répond l'abbé Pierre, l'amour, quand il est le point de rencontre de deux libertés; l'amour, qui n'est pas toujours synonyme de bonheur; l'amour, qui s'accompagne parfois de souffrance. Voilà pourquoi, sans doute, l' «insurgé de Dieu» manifeste de la compréhension à l'égard des prêtres qui cèdent durablement à la tentation charnelle. Le célibat est un atout pour un homme d'Eglise, affirme l'abbé. Il rend disponible, permet de se vouer totalement à son sacerdoce. Mais pourquoi serait-ce une obligation? Les apôtres de Jésus n'étaient pas tous célibataires, observe-t-il. En ces temps de crise des vocations, l'Eglise ne devrait pas se priver d'ordonner des hommes mariés. L'abbé Pierre manifeste la même empathie à l'égard des couples homosexuels. Il admet leur désir de se marier, il comprend leurs rêves d'adoption: il propose pourtant qu'on ne parle pas de mariage mais d'alliance, et qu'on prenne le temps de vérifier si le fait de ne pas avoir des parents de sexe différent ne porte pas préjudice à l'enfant. Quand enfin il évoque les deux figures mythiques qui incarnent la femme aux yeux des hommes en général, et des croyants en particulier - la mère au sexe intact et la pécheresse tentatrice - c'est pour dire paisiblement son incertitude. Quand un homme aussi aimé des Français, plébiscité par les sondages, éprouve au soir de sa vie le besoin de coucher par écrit quelques vérités, on ne peut que lui attacher de l'importance. Il n'est pas anodin que la semaine même où il cosigne, dans L'Express, l' «Appel des huit vieux en colère» pour défendre une certaine idée de la paix, de la justice, de la démocratie, il porte doucement le fer dans les failles et les doutes qui déchirent aujourd'hui le monde catholique. A sa façon dérangeante, parfois émouvante, il relance le débat sur les contradictions de la hiérarchie catholique face aux affaires de sexe.
1. L'aveu de l'abbé Pierre
par Jacqueline Remy
Maintien du célibat des prêtres, mise à l'écart des homosexuels dans les séminaires, refus de l'ordination des femmes, statu quo sur l'avortement et la contraception... Malgré la crise de la pratique et des vocations, la hiérarchie catholique réaffirme la rigueur de sa doctrine en matière de sexualité. Au risque de s'éloigner encore de ses fidèles? L'Express ouvre le débat, en trois questions - dont Le dogme et la réalité et Nous, les enfants de prêtres. La première est posée par l'abbé Pierre, le plus populaire des Français, qui avoue des idées et des pratiques iconoclastes
C'est une bombe au pays calme de la pensée chrétienne. Dans un livre qu'il publie le 27 octobre - Mon Dieu, pourquoi? (Plon) - l'abbé Pierre, 93 ans, déclare qu'il n'est pas hostile au mariage des prêtres et il suggère qu'il a lui-même eu des relations sexuelles avec des femmes.
L'homme le plus populaire de France ne se contente pas de cet aveu. Avec des mots simples, à la fois économes et audacieux, il aborde, dans une suite de textes brefs, tous les sujets tabous au sein de l'Eglise catholique: le mariage des homosexuels, leur désir d'enfant, l'ordination des femmes (il est pour), la virginité de Marie et le rôle de Marie-Madeleine auprès de Jésus.
Frédéric Lenoir, qui a très talentueusement aidé le fondateur d'Emmaüs à rédiger ces méditations - sous-titrées Convictions, interrogations et indignations sur la foi chrétienne - raconte que ce dernier, «stimulé» par le tournant pris par Jean-Paul II avec la reconnaissance de la validité de la théorie de l'évolution, était taraudé depuis dix-huit mois par certaines questions théologiques. Sur le sens de la création, en particulier. Quel est le but de la vie? L'amour, répond l'abbé Pierre, l'amour, quand il est le point de rencontre de deux libertés; l'amour, qui n'est pas toujours synonyme de bonheur; l'amour, qui s'accompagne parfois de souffrance. Voilà pourquoi, sans doute, l' «insurgé de Dieu» manifeste de la compréhension à l'égard des prêtres qui cèdent durablement à la tentation charnelle. Le célibat est un atout pour un homme d'Eglise, affirme l'abbé. Il rend disponible, permet de se vouer totalement à son sacerdoce. Mais pourquoi serait-ce une obligation? Les apôtres de Jésus n'étaient pas tous célibataires, observe-t-il. En ces temps de crise des vocations, l'Eglise ne devrait pas se priver d'ordonner des hommes mariés. L'abbé Pierre manifeste la même empathie à l'égard des couples homosexuels. Il admet leur désir de se marier, il comprend leurs rêves d'adoption: il propose pourtant qu'on ne parle pas de mariage mais d'alliance, et qu'on prenne le temps de vérifier si le fait de ne pas avoir des parents de sexe différent ne porte pas préjudice à l'enfant. Quand enfin il évoque les deux figures mythiques qui incarnent la femme aux yeux des hommes en général, et des croyants en particulier - la mère au sexe intact et la pécheresse tentatrice - c'est pour dire paisiblement son incertitude. Quand un homme aussi aimé des Français, plébiscité par les sondages, éprouve au soir de sa vie le besoin de coucher par écrit quelques vérités, on ne peut que lui attacher de l'importance. Il n'est pas anodin que la semaine même où il cosigne, dans L'Express, l' «Appel des huit vieux en colère» pour défendre une certaine idée de la paix, de la justice, de la démocratie, il porte doucement le fer dans les failles et les doutes qui déchirent aujourd'hui le monde catholique. A sa façon dérangeante, parfois émouvante, il relance le débat sur les contradictions de la hiérarchie catholique face aux affaires de sexe.